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l’ange de Budapest, histoire d’Erwin Koranyi

Raoul Wallenberg , 
l’ange de Budapest, histoire d’Erwin Koranyi

    “Je suis né à Budapest en 1924. J’ai donc 20 ans lors des événements… J’ai terminé mes études secondaires et m’apprête à entreprendre mes études en médecine. Mais, étant juif, je ne peux aller à l’université. Les Allemands occupent le pays à partir de mars 1944. Budapest compte une très grande communauté juive. Nous sommes tous déplacés vers des maisons portant la grande étoile jaune. Et je suis mobilisé pour les camps de travail. Nous devons porter l’étoile jaune, respecter le couvre-feu, ne pas circuler dans certains parcs et magasins, etc. Moi je travaille au quartier général de Eichmann ! ! !

    J’ai une petite amie, Alice, qui vient d’une ville de province : les Allemands avaient déjà déporté vers Auschwitz de nombreux Juifs de province : il était plus facile de le faire qu’à Budapest. Je l’ai amené en ville. Quelques jours plus tard, ses parents ont été envoyés vers les camps de la mort et nous n’avons jamais plus eu de leurs nouvelles… Nous nous sommes mariés. Mais mon amie a été arrêtée pour avoir circulé 2 minutes après le couvre-feu. Elle était dans un camp en attente de déportation.

    On m’a alors parlé d’un diplomate suédois qui aidait les Juifs. Sans trop y croire, je me suis rendu à l’ambassade de Suède et j’ai pris rendez-vous avec Raoul Wallenberg. Je l’ai rencontré, et il a émis des Shutzpass : une pour moi, une pour mon amie, deux pour mes parents et une pour le frère de ma femme. Et Wallenberg est allé personnellement retirer Alice du camp d’attente !!!

    J’ai donc vu et parlé avec Wallenberg. En fait, je l’ai vu à deux reprises. D’abord, j’avais peine à croire qu’une telle personne puisse exister. Dans la situation dans laquelle nous étions, c’était comme impossible à croire, croire que quelqu’un venu de l’étranger était venu pour aider les Juifs . Je l’ai donc vu une première fois en me rendant à l’ambassade de Suède pour voir ce qu’il pouvait faire pour moi et ma famille. Il m’a reçu entre de nombreux appels téléphoniques, des secrétaires qui venaient sans cesse faire signer des papiers. Il m’a demandé des renseignements personnels, puis il m’a expliqué que je devrais faire accroire aux autorités que j’avais un lien avec la Suède. Comme mon père fabriquait des machines avec des composantes en provenance de Suède, j’avais une connexion… Je suis resté 10 minutes avec lui. Il m’a donné un nouveau rendez-vous deux jours après…

    Deux jours plus tard donc, je suis retourné à l’ambassade et je l’ai rencontré à nouveau pendant 10 minutes, toujours dans le brouhaha affairée de la place. Il m’a remis 6 shutzpass (ma famille, ma fiancée, ses frères). C’était parmi les 200 premières émises. Nous étions au tout début de ce stratagème.

    J’étais enchanté de le rencontrer. Il était vraiment gentil, et surtout très efficace; il n’avait pas vraiment le temps de m’écouter; les détails lui passaient par-dessus la tête… Je ne croyais pas encore qu’il ferait tout ça. J’étais excité, même si ma foi était chancelante. Mais que voulez-vous, c’était mon seul espoir de m’en sortir vivant.

    En octobre 1944, il y a changement de gouvernement en Hongrie. Les gens au pouvoir savaient que les Russes étaient déjà en Hongrie et avançaient… On a voulu rompre les liens avec les Nazis… Les dirigeants furent emprisonnés, de même que tous les membres de leurs familles. Les Croix Fléchées ont alors pris la relève. Ce furent des temps encore plus difficiles… Les milices hongroises placardèrent la ville en disant qu’ils ne respecteraient plus les Shutzpass, ajoutant que ceux qui aideraient les Juifs seraient “ butchered ”. Et ils ont commencé à mettre en branle des marches de la mort : on regroupait des Juifs en groupe de 1000 et on les envoyait vers Vienne. Ceux qui regimbaient étaient fusillés sur place.

    Wallenberg a dû jouer au poker avec les autorités, manigançant toutes sortes d’ententes financières et jouant du petit pouvoir qu’il avait pour aider les Juifs. Il a créé les maisons-sauve sous protectorat suédois, nourrissait les Juifs quand il le pouvait, etc. Les deux derniers mois de 1944 furent les plus horribles. Les Croix Fléchées ont investi ma maison-sauve au Jokai 1, ont sorti les 370 occupants et les ont amenés vers les rives du Danube pour les fusiller. Ils ne pouvaient pas les envoyer vers les camps de la mort, la ville étant encerclée par les Russes. Ma femme et moi sommes sortis par une fenêtre des toilettes au 3ième étage et nous nous sommes cachés sur le parapet. C’est ainsi qu’on a survécu. On s’est rendu par la suite à l’ambassade satellite du côté Pest de la ville. Les Croix Fléchées nous ont à nouveau fait prisonniers et nous ont placé dans une marche vers le Danube. C’est alors qu’un groupe de policiers hongrois, sympatisants de Wallenberg, ont arrêté la marche et nous ont ramené à l’ambassade satellite. Nous nous sommes cachés ici et là jusqu’à l’arrivée des Russes le jour de Noël. Quelques jours plus tard, Wallenberg disparaissait…

    Après deux semaines à Budapest, on a entendu dire que l’université de la ville de Szegeg au Sud du pays rouvrait. Nous y sommes allés à pied, plus de 180 milles ! ! ! On y a fait nos études en médecine. Mais le régime communiste était très difficile à vivre : il y avait peu de libertés civiles. C’était en quelque sorte un état policier. On voulait fuir. En 1949, juste avant notre graduation, on a fui vers l’Autriche. On y a terminé nos études à Vienne. Puis nous nous sommes séparés : Alice est allée en Suède et moi en Israël. J’ai finalement immigré au Canada en 1952. J’ai étudié à Montréal et y ai pratiqué avant d’accepter un poste à Ottawa en 1970.

    Le destin de Wallenberg est vraiment tragique. Il y a eu toutes ces informations non vérifiables sur sa vie dans les prisons russes, cette histoire de la découverte de ses effets personnels par sa demi-sœur, Nina Lagergren et son demi-frère, Guy von Dardel en 1989 sous Gorbatchev… Il y avait son journal de 1944 entre autres effets. Un quotidien de Suède l’a publié page par page. Alice a pu y voir la date de mon rendez-vous avec lui et mon nom qui y figure. J’ai une copie de cette page. J’ai aussi copie de ma shutzpass, et d’autres documents intéressants pour vous. J’ai aussi écrit un livre qui raconte mon histoire. Je vous l’offrirai lorsqu’on se rencontrera… ”


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